La mine de Surire

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La mine de Surire
Au cœur du désert d’Atacama, dans l’extrême nord du Chili, se cache un joyau minéral méconnu qui fascine autant par sa richesse géologique que par les paysages lunaires qui l’entourent. Le Salar de Surire, avec son exploitation de borax, représente l’une des merveilles naturelles les plus impressionnantes d’Amérique du Sud, où l’activité humaine et la nature cohabitent dans un équilibre fragile mais fascinant. Cette étendue blanche immaculée, nichée à plus de 4.000 mètres d’altitude, raconte une histoire millénaire de formation géologique et d’adaptation humaine aux conditions les plus extrêmes de la planète. La mine de Surire, située dans le nord du Chili, est l’un des principaux sites d’extraction de bore au monde. L’exploitation du bore est une activité économique vitale pour le Chili, mais elle soulève également des questions sur son impact sur l’environnement et son intérêt pour le pays.

Pour ceux qui souhaitent approfondir cette exploration des trésors minéraux chiliens, notre agence propose des  idées de circuits qui vous permettent d’avoir un aperçu du type de voyage qui vous emmènera à la découverte des sites les plus impressionnants du nord du pays, de l’exploitation de cuivre à ciel ouvert de Chuquicamata aux geysers d’El Tatio, en passant bien sûr par l’extraordinaire Salar de Surire. Un voyage fascinant entre paysages lunaires, merveilles géologiques et rencontres authentiques avec ceux qui ont fait de ces terres inhospitalières leur foyer depuis des millénaires.

l'exploitation du borax envahit inexorablement le salar et dérange l'équilibre écologique avec l'utilisation de nombreux intervenants chimiques
l'exploitation du borax envahit inexorablement le salar et dérange l'équilibre écologique avec l'utilisation de nombreux intervenants chimiques

Qu'est-ce que le borax et pourquoi le Salar de Surire est-il si exceptionnel?

Le borax est un minéral naturel composé principalement de borate de sodium hydraté, dont la formule chimique est Na₂B₄O₇·10H₂O. Ce cristal blanc est le résultat d'une évaporation intense dans des bassins endoréiques, c'est-à-dire des dépressions fermées sans écoulement vers l'océan, typiques des zones désertiques comme le nord du Chili.

  • Le borax se forme naturellement dans les salars (lacs salés asséchés) après des millions d'années d'accumulation de minéraux
  • La mine de Surire est l'une des plus importantes réserves mondiales de borax, avec une pureté exceptionnelle
  • Le Salar de Surire est classé Réserve Naturelle depuis 1983 et abrite une biodiversité unique adaptée aux conditions extrêmes
  • L'exploitation minière coexiste avec un écosystème fragile, créant un paysage contrasté entre industrie et nature sauvage

La particularité du Salar de Surire réside dans sa localisation exceptionnelle, à 4.300 mètres d'altitude dans la cordillère des Andes, près de la frontière avec la Bolivie. Cette immense étendue blanche de 174 km² constitue l'un des plus importants gisements de borates au monde. Le paysage qu'offre ce salar est à couper le souffle : une vaste plaine blanche cristalline entourée de volcans majestueux qui culminent à plus de 6.000 mètres, dont le Puquintica et le Licancabur, sentinelles millénaires de ce trésor minéral.

L'exploitation du borax à Surire remonte aux années 1970, lorsque l'entreprise Quiborax a commencé à extraire ce précieux minéral dans des conditions parmi les plus difficiles au monde. Le processus d'extraction est fascinant : les ouvriers récoltent la croûte saline, la traitent dans des bassins de décantation, puis la font sécher au soleil intense de l'Altiplano avant de la transporter vers les usines de transformation. Ce travail s'effectue dans un environnement où l'oxygène est rare, les températures oscillent entre -15°C la nuit et 25°C le jour, et où l'isolement est total, à plusieurs heures de route de la ville la plus proche, Arica.

Comment l'exploitation du borax a-t-elle façonné le paysage et l'économie locale?

Lorsqu'on survole le Salar de Surire, le contraste est saisissant entre l'immensité blanche naturelle et les parcelles géométriques colorées créées par l'activité minière. Ces bassins d'évaporation aux teintes variant du turquoise au rose forment une mosaïque surréaliste qui semble tout droit sortie d'une toile d'art abstrait. Cette transformation du paysage témoigne de la relation complexe entre l'homme et la nature dans cette région aux conditions extrêmes, où chaque intervention humaine laisse une empreinte visible et durable.

L'économie de la région a été profondément marquée par l'exploitation du borax. Selon les données de la Société Nationale de Minière du Chili (SONAMI), la mine de Surire produit environ 30.000 tonnes de borax par an, ce qui représente près de 10% de la production mondiale. Cette activité génère plus de 200 emplois directs et indirects dans une région où les opportunités économiques sont rares. Comme l'explique Eduardo Morales, ingénieur minier travaillant à Surire depuis plus de 15 ans : "Cette mine n'est pas seulement une source de revenus; elle est devenue un mode de vie pour des générations de familles de l'Altiplano. Nous travaillons par rotations de 15 jours car les conditions sont trop difficiles pour y vivre en permanence."

Les communautés aymaras locales, populations indigènes de l'Altiplano, vivent une relation profondément conflictuelle avec l'exploitation minière. Loin de l'image harmonieuse souvent véhiculée, la réalité est marquée par des tensions persistantes et des luttes de pouvoir inégales. Malgré quelques emplois créés, la majorité des bénéfices économiques ne profite pas aux communautés locales. Carlos Mamani, leader aymara de la communauté de Guallatire, dénonce : "L'exploitation minière a contaminé nos sources d'eau et perturbé des sites sacrés. Nos protestations sont systématiquement ignorées par les autorités qui privilégient les intérêts économiques au détriment de nos droits ancestraux. Ce n'est pas un équilibre, c'est une spoliation."

L'industrie du borax a certes développé certaines infrastructures dans cette région isolée, mais principalement pour servir ses propres intérêts économiques. Si des routes ont été construites pour acheminer le minerai vers les ports du Pacifique, celles menant aux villages aymaras restent souvent en état déplorable. Les systèmes de communication et l'électricité profitent rarement aux communautés locales, créant un développement à deux vitesses qui accentue les inégalités. Plus grave encore, l'exploitation minière a provoqué une crise hydrique majeure dans cette région déjà aride. L'extraction intensive puise dans des nappes phréatiques fossiles et détourne des sources d'eau essentielles à l'agriculture traditionnelle et à l'équilibre des écosystèmes du salar. Selon un rapport indépendant de l'ONG ChileAgua, la consommation d'eau de la mine représente l'équivalent de celle de 15 villages traditionnels combinés, menaçant directement la survie de ces communautés.

Pourquoi le borax est-il devenu un minéral stratégique dans l'économie mondiale?

Au-delà de son aspect spectaculaire, le borax est devenu un minerai d'importance stratégique dans l'économie mondiale du XXIe siècle. Ses applications sont étonnamment diverses et touchent à des secteurs industriels clés. Le borax entre dans la composition du verre borosilicaté (comme le Pyrex), résistant aux changements thermiques brusques. Il est essentiel dans la fabrication de détergents et de produits d'entretien écologiques, où il agit comme agent blanchissant et désinfectant naturel. Plus surprenant encore, il joue un rôle crucial dans l'industrie des énergies renouvelables, notamment pour la production de panneaux solaires et de composants d'éoliennes.

La demande mondiale de borax ne cesse d'augmenter, avec une croissance annuelle estimée à 5,7% selon les analyses du cabinet d'études Market Research Future. Cette tendance s'explique notamment par l'essor de l'électronique de pointe, où les composés du bore sont utilisés comme dopants dans les semi-conducteurs. Les smartphones que nous utilisons quotidiennement contiennent des traces de ce minéral extrait dans les conditions extrêmes de l'Altiplano chilien. Comme le souligne la Dr. Maria González, géochimiste à l'Université de Santiago : "Le borax est l'un de ces minéraux discrets mais omniprésents dans notre vie moderne. Sans lui, de nombreuses technologies que nous tenons pour acquises n'existeraient pas."

L'importance géopolitique du borax s'est considérablement accrue ces dernières années, faisant du Chili un acteur majeur sur l'échiquier mondial des ressources stratégiques. Avec la Turquie, les États-Unis (via les gisements de Californie) et l'Argentine, le Chili forme le quatuor des principaux producteurs mondiaux. Cette position avantageuse dans un marché de niche mais essentiel renforce l'importance diplomatique et économique du pays andin sur la scène internationale. Une étude du ministère chilien des Mines estime que les réserves de Surire pourraient soutenir l'exploitation pendant encore au moins 40 ans au rythme actuel, ce qui garantit au pays une place privilégiée sur ce marché pour les décennies à venir.

La valeur ajoutée du borax réside également dans sa transformation. Le Chili a progressivement développé une filière de traitement qui permet de ne plus exporter uniquement la matière première, mais aussi des produits dérivés à plus forte valeur ajoutée comme l'acide borique ou le perborate de sodium. Cette stratégie d'industrialisation a permis la création d'emplois qualifiés et une meilleure valorisation de cette ressource naturelle. Selon les chiffres de ProChile, l'organisme de promotion des exportations chiliennes, la valeur des exportations de produits dérivés du borax a augmenté de 35% entre 2015 et 2023, témoignant du succès de cette approche.

Comment visiter la mine de Surire et quelles merveilles naturelles l'entourent?

Pour les voyageurs avides d'expériences hors des sentiers battus, le Salar de Surire représente une destination exceptionnelle qui combine intérêt géologique, paysages à couper le souffle et découverte culturelle. L'accès à cette merveille naturelle n'est pas aisé, ce qui préserve son authenticité mais requiert une préparation minutieuse. La route qui mène au salar depuis Arica, la ville côtière la plus proche, traverse des paysages désertiques époustouflants sur près de 260 kilomètres, dont une bonne partie sur des pistes non goudronnées qui s'élèvent progressivement jusqu'à plus de 4.000 mètres d'altitude.

La visite de la mine de Surire elle-même nécessite une autorisation préalable, l'exploitation étant une zone industrielle active. Cependant, des points d'observation permettent d'admirer à distance les bassins d'évaporation aux couleurs surréalistes et l'activité minière. Les guides locaux, souvent issus des communautés aymaras, partagent avec passion leur connaissance approfondie de la géologie et de l'histoire humaine de ce lieu unique. Comme l'explique Juan Flores, guide spécialisé dans cette région depuis plus de deux décennies : "Chaque visiteur repart transformé après avoir contemplé l'immensité du salar. Il y a quelque chose de mystique dans ce paysage qui semble appartenir à une autre planète."

Au-delà de la mine, le Salar de Surire est entouré de merveilles naturelles qui méritent amplement le détour. La Réserve Nationale Las Vicuñas, qui englobe le salar, abrite une faune adaptée aux conditions extrêmes de l'Altiplano. Les vigognes, ces élégants camélidés sauvages aux longues pattes fines, parcourent les vastes étendues herbeuses qui bordent le salar. Les flamants des Andes (Phoenicoparrus andinus), espèce en danger d'extinction, trouvent refuge dans les lagunes peu profondes où ils se nourrissent de micro-organismes riches en caroténoïdes qui leur donnent leur couleur rose caractéristique. Pour les ornithologues amateurs, l'observation de ces oiseaux majestueux dans leur habitat naturel constitue une expérience inoubliable.

Les sources d'eau chaude de Polloquere, situées à l'extrémité nord du salar, offrent une expérience unique : se baigner dans des eaux thermales naturelles à plus de 4.000 mètres d'altitude, avec une vue imprenable sur le salar et les volcans environnants. Ces thermes, atteignant une température d'environ 60°C à leur source avant de se refroidir dans des bassins naturels, sont riches en minéraux aux propriétés thérapeutiques reconnues. Les communautés locales les utilisent depuis des siècles pour soigner divers maux, notamment les douleurs articulaires exacerbées par le climat rigoureux de l'Altiplano.

Pour une expérience complète de cette région fascinante, un séjour de deux à trois jours est recommandé, idéalement dans le cadre d'un circuit plus large incluant le Parc National Lauca et sa majestueuse lagune Chungará, ainsi que les villages aymaras traditionnels comme Parinacota et Guallatire. Ces villages aux églises coloniales blanchies à la chaux témoignent de la rencontre entre les traditions préhispaniques et l'héritage espagnol. Les festivals locaux, comme la fête de la Pachamama (Terre-Mère) en août, permettent aux visiteurs de s'immerger dans la culture vivante des communautés andines et de comprendre leur relation spirituelle profonde avec cette terre d'altitude.

Le futur du borax : entre développement durable et préservation d'un écosystème unique

À l'heure où les questions environnementales occupent le devant de la scène mondiale, l'avenir de l'exploitation du borax à Surire est au cœur de controverses majeures. Malgré une communication axée sur le développement durable, la réalité de l'industrie minière chilienne reste bien éloignée des discours officiels. Les initiatives environnementales annoncées par Quiborax depuis 2018 sont largement considérées comme du "greenwashing" par les organisations écologistes locales et internationales. Les panneaux solaires, présentés comme une avancée majeure, ne couvrent en réalité qu'une infime partie des besoins énergétiques de l'exploitation, tandis que les générateurs diesel continuent de tourner à plein régime.

La question de l'eau cristallise les tensions les plus vives. Malgré les promesses de recyclage des eaux utilisées, des études indépendantes menées par l'Institut des Ressources Hydriques du Chili révèlent une surexploitation alarmante des aquifères. Cette situation a provoqué l'assèchement de zones humides périphériques vitales pour l'écosystème et l'agriculture traditionnelle. Miguel Rodriguez, hydrogéologue ayant participé à ces études, dénonce : "Les technologies de recyclage mises en avant par l'entreprise sont insuffisantes et mal implémentées. La réalité est que l'exploitation minière consomme des volumes d'eau insoutenables dans une région déjà fragilisée par le changement climatique."

La cohabitation entre l'activité minière et la biodiversité du salar est loin d'être harmonieuse. Les études indépendantes contredisent frontalement le discours officiel. Le Dr. Valentina Cortés, biologiste spécialiste des écosystèmes andins travaillant pour l'ONG Defensa Ambiental, alerte : "Nous observons un déclin inquiétant des populations de flamants depuis 2010. Leur prétendue 'adaptation' est en réalité un repli forcé vers des zones moins favorables à leur alimentation et reproduction. Les données montrent une chute de 27% des naissances ces cinq dernières années." Les analyses révèlent également une contamination préoccupante des eaux par des résidus chimiques utilisés dans le processus d'extraction, avec des concentrations d'arsenic et de mercure dépassant les normes environnementales dans certaines zones du salar.

Le tourisme pourrait représenter une alternative économique, mais son développement se heurte à de nombreux obstacles. Les communautés locales, comme celle de Cosapilla, tentent de développer un écotourisme respectueux, mais leurs efforts sont souvent entravés par le manque de soutien institutionnel et la pollution visuelle et environnementale causée par l'exploitation minière. "Comment pouvons-nous promouvoir la beauté naturelle du salar quand les visiteurs découvrent des bassins industriels qui dégradent le paysage et une biodiversité en déclin?" s'interroge Teresa Huanca, coordinatrice d'une initiative d'écotourisme communautaire. Les tentatives d'hébergement chez l'habitant et de circuits guidés par les Aymaras se heurtent également à la réticence des autorités à délivrer les permis nécessaires, privilégiant les intérêts des grands groupes miniers.

L'avenir du Salar de Surire est aujourd'hui l'objet d'une lutte de pouvoir entre des visions radicalement opposées. D'un côté, les entreprises minières et leurs alliés gouvernementaux défendent un modèle extractiviste qui, malgré un vernis écologique, continue de privilégier les profits à court terme. De l'autre, une coalition croissante de communautés autochtones, d'ONG environnementales et de scientifiques indépendants plaide pour une remise en question fondamentale de ce modèle. "Il ne s'agit pas de trouver un prétendu équilibre entre exploitation et conservation, car cet équilibre est un mythe dans les conditions actuelles," affirme Luis Fernandez, avocat spécialisé en droits environnementaux et indigènes. "Il faut reconnaître que certains écosystèmes, particulièrement fragiles comme celui de Surire, ne peuvent tout simplement pas supporter une exploitation industrielle intensive sans subir des dommages irréversibles. Nous devons avoir le courage de faire des choix radicaux avant qu'il ne soit trop tard."

En route vers l'exploration des merveilles minérales du Chili

Le Salar de Surire et sa mine de borax ne représentent qu'une facette de la richesse géologique extraordinaire que recèle le nord du Chili. Cette région, véritable laboratoire naturel à ciel ouvert, offre aux voyageurs curieux une opportunité unique de comprendre les forces titanesques qui ont façonné notre planète et la façon dont l'être humain a appris à tirer parti de ces ressources dans des conditions extrêmes.

Mark
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Mark incarne l'âme aventurière de Korke. Fort de sa connaissance intime de l'Amérique du Sud, il cultive une véritable passion pour ces terres qu'il arpente depuis des années, des sommets de la cordillère aux vallées secrètes.

Expert chevronné, il sait révéler les trésors insoupçonnés du Chili et de l'Argentine, accompagnant ses voyageurs vers l'essence même de ces destinations.

Passionné par l'art de vivre andin, Mark vous invite à explorer la richesse culturelle, historique et œnologique de ces terres d'émotion.