Excellence de la viande argentine : mythe ou réalité ?

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Dans l’imaginaire collectif mondial, la viande argentine occupe une place à part, auréolée d’une réputation d’excellence quasi mystique. Des pampas verdoyantes aux célèbres parrillas de Buenos Aires, cette viande est devenue bien plus qu’un simple produit alimentaire : elle incarne l’identité même d’une nation. Mais au-delà des récits enthousiastes des voyageurs et des superlatifs des guides touristiques, que vaut réellement la viande argentine ?

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Déguster la viande argentine : guide pratique


Pour apprécier pleinement la viande argentine, quelques codes culturels méritent d'être connus. Dans les parrillas traditionnelles de Buenos Aires, ne soyez pas surpris si votre steak arrive plus cuit que ce que vous avez demandé : les Argentins préfèrent généralement leur viande "a punto" (à point) ou "bien cocida" (bien cuite). Pour obtenir une cuisson saignante, demandez explicitement "jugoso" ou "vuelta y vuelta" pour bleu. Buenos Aires regorge d'adresses mythiques où découvrir l'excellence de la viande argentine.

Dans le quartier branché de Palermo, La Cabrera vous propose une expérience gastronomique unique avec ses portions généreuses et ses accompagnements créatifs. Don Julio, élu plusieurs fois parmi les meilleurs restaurants d'Amérique latine, vous séduit par sa cave à vin exceptionnelle et sa viande maturée sur place. En tant que puriste, vous ne manquerez pas El Pobre Luis dans le quartier de Belgrano, tandis que La Brigada à San Telmo vous impressionnera en découpant ses steaks au moyen d'une simple cuillère, preuve ultime de leur tendreté. Les morceaux emblématiques incluent le bife de chorizo (faux-filet), le ojo de bife (entrecôte), et le lomo (filet), mais ne négligez pas les coupes moins connues comme le vacío (bavette) ou l'entraña (hampe). Ces morceaux, souvent délaissés en Europe, sont particulièrement savoureux préparés à la manière argentine. La viande est traditionnellement servie avec une simple chimichurri, sauce à base d'herbes fraîches, d'ail et d'huile d'olive, qui rehausse les saveurs sans les masquer.

asado Buenos Aires
restaurant Don Julio a Buenos Aires
asado a la parillo - barbecue argentine

Guide des morceaux de viande argentine : lexique comparatif


La découpe de la viande en Argentine diffère sensiblement de celle pratiquée en France, ce qui peut parfois vous dérouter dans les parrillas. Voici un guide détaillé des principaux morceaux de bœuf argentin et leurs équivalences françaises, permettant de mieux comprendre et apprécier chaque coupe. Le bife de chorizo, morceau emblématique de la gastronomie argentine, correspond au faux-filet français. Cette pièce particulièrement savoureuse présente une belle persillure et se caractérise par sa forme allongée avec une couche de gras sur le dessus. Les Argentins la considèrent comme l'une des meilleures pièces pour l'asado, la servant généralement en tranches généreuses d'environ 400 grammes.

Le lomo, équivalent du filet en France, représente le must de la tendreté. Cette pièce maigre et noble provient du muscle dorsal du bœuf, peu sollicité, ce qui explique son extrême fondant. En Argentine, on le sert souvent en medallón de lomo (médaillon de filet), parfait pour les amateurs de viande peu grasse.

asado viande Buenos AiresL'ojo de bife, que connaissent sous le nom d'entrecôte, provient de la cage thoracique du bœuf. Sa marbrure caractéristique lui confère un goût intense et une tendreté remarquable. Les Argentins apprécient particulièrement sa texture juteuse et son goût prononcé dû à la présence équilibrée de gras intramusculaire.

Le vacío, correspondant à la bavette de flanchet française, constitue une spécificité de la cuisine argentine. Cette pièce plate, recouverte d'une fine couche de gras, demande un savoir-faire particulier pour sa cuisson. Les asadores expérimentés la préparent généralement entière, repliée sur elle-même, pour préserver son juteux tout en obtenant une croûte caramélisée.

noms des morceaux de viande argentine

La entraña, équivalente à l'onglet ou hampe en France, est une pièce longue et plate particulièrement savoureuse. Les Argentins la considèrent comme l'une des coupes les plus goûteuses, bien que moins tendre que le lomo. Sa texture fibreuse et son goût prononcé en font un morceau de choix pour les amateurs de viande au caractère affirmé.

Le asado de tira, ou plat de côtes en France, se présente en Argentine sous forme de lanières incluant l'os, coupées perpendiculairement aux côtes. Cette coupe traditionnelle, emblématique de l'asado, nécessite une cuisson lente pour développer tous ses arômes et atteindre une tendreté optimale. La présence de l'os et du gras intermusculaire contribue à sa saveur incomparable.

Le cuadril, équivalent de la culotte ou rumsteck en France, provient de l'arrière du bœuf. Cette pièce maigre offre un excellent rapport qualité-prix et une polyvalence remarquable. Les Argentins l'apprécient particulièrement pour sa texture équilibrée, ni trop ferme ni trop tendre, qui convient parfaitement à la cuisson sur le gril.

La colita de cuadril, que les Français connaissent sous le nom d'aiguillette baronne, constitue l'extrémité la plus tendre du cuadril. Ce morceau triangulaire, particulièrement savoureux, est souvent servi en portions individuelles dans les parrillas argentines.

Sa texture fine et son goût délicat en font une option prisée des connaisseurs.

Les mollejas, équivalentes au ris de veau en France mais ici issues du bœuf, représentent l'une des pièces les plus recherchées de la gastronomie argentine. Ces glandes du thymus, considérées comme un mets délicat, sont traditionnellement servies en début d'asado comme entrée ou achuras (abats). Leur préparation requiert un savoir-faire particulier : après un nettoyage méticuleux, elles sont grillées lentement jusqu'à obtenir une surface dorée et croustillante tout en gardant un cœur tendre et fondant. Les mollejas sont généralement assaisonnées simplement avec du sel gros et du citron, permettant d'apprécier pleinement leur goût subtil et leur texture unique. Cette spécialité, peu connue des touristes européens, est particulièrement prisée des Argentins qui la considèrent comme l'un des joyaux de leur cuisine traditionnelle.

Qu'est-ce qui fait la spécificité de la viande argentine ?

La viande argentine, et plus particulièrement le bœuf argentin, se distingue par un ensemble de caractéristiques uniques qui en font l'une des plus prisées au monde. Issue principalement de races bovines britanniques comme l'Aberdeen Angus et l'Hereford, cette viande doit ses qualités exceptionnelles à la combinaison de plusieurs facteurs :

  • Un système d'élevage extensif où les bovins paissent librement dans les immenses prairies des pampas, bénéficiant d'une alimentation naturelle riche en herbes variées
  • Un climat tempéré idéal qui permet aux troupeaux de rester en extérieur toute l'année, limitant le stress des animaux
  • Une tradition d'élevage séculaire qui a permis de perfectionner les techniques de sélection et d'engraissement
  • Un contrôle sanitaire strict et une traçabilité rigoureuse imposés par l'SENASA (Service National de Santé et Qualité Agroalimentaire)

L'élevage bovin en Argentine : un héritage historique en mutation

L'histoire de l'élevage bovin en Argentine remonte au XVIe siècle, lorsque les premiers conquistadors espagnols introduisirent les bovins dans la région. Ces premiers troupeaux, rapidement devenus sauvages dans les vastes plaines des pampas, se multiplièrent de façon spectaculaire grâce aux conditions naturelles idéales. À la fin du XVIIIe siècle, on estimait déjà leur nombre à plusieurs millions de têtes, donnant naissance à la figure mythique du gaucho, ce cow-boy des pampas qui développa des techniques uniques de gestion du bétail. La véritable révolution de l'élevage argentin survint au XIXe siècle avec deux innovations majeures. D'abord, l'introduction des races britanniques comme l'Aberdeen Angus et l'Hereford, qui remplacèrent progressivement le bétail créole d'origine espagnole. Ensuite, l'invention du frigorifique qui permit l'exportation de viande vers l'Europe. Cette période marqua l'âge d'or de l'économie argentine, les grands propriétaires terriens, ou estancieros, constituant une classe sociale puissante qui façonna l'identité du pays.

La préparation de l'asado suit des codes précis. La viande est simplement salée, sans marinade ni assaisonnement complexe, pour en préserver le goût authentique.

Les estancias, ces immenses domaines d'élevage, devinrent les symboles de la prospérité argentine, certaines atteignant la taille de petites principautés européennes. La première moitié du XXe siècle vit l'Argentine s'imposer comme le premier exportateur mondial de viande bovine, position qui lui valut le surnom de "grenier du monde". Les capitaux britanniques affluèrent, développant les infrastructures ferroviaires et portuaires nécessaires au commerce de la viande. Les célèbres frigorifiques de la Boca à Buenos Aires, comme le Frigorífico Anglo, employaient des milliers d'ouvriers et exportaient quotidiennement des tonnes de viande vers l'Europe. Aujourd'hui, bien que l'Argentine reste l'un des plus grands exportateurs mondiaux de viande bovine, le secteur fait face à de nombreux défis.

La demande croissante de terres pour la culture du soja, plus rentable à court terme, a entraîné une réduction des surfaces dédiées à l'élevage. Selon les données du ministère argentin de l'Agriculture, le cheptel bovin est passé de 60 millions de têtes en 2007 à environ 54 millions en 2023. Cette évolution soulève des questions sur la durabilité du modèle traditionnel d'élevage extensif. Les défis contemporains sont multiples. Les politiques économiques fluctuantes et les restrictions aux exportations imposées périodiquement par le gouvernement pour contrôler l'inflation des prix intérieurs ont créé une instabilité chronique dans le secteur.

Le changement climatique affecte la qualité des pâturages, tandis que la pression internationale pour la réduction des émissions de méthane pousse à repenser les pratiques d'élevage. Face à ces enjeux, de nombreux producteurs se tournent vers des modèles plus intensifs, notamment les feedlots, remettant en question le modèle traditionnel d'élevage extensif qui a fait la réputation de la viande argentine. Néanmoins, le secteur montre des signes encourageants d'adaptation. De nouvelles technologies comme la géolocalisation des troupeaux et le monitoring satellite des pâturages permettent d'optimiser l'utilisation des terres. Des initiatives de certification "herbe" émergent pour valoriser l'élevage extensif traditionnel, tandis que la recherche génétique continue d'améliorer la résistance des races aux nouvelles conditions climatiques.

L'asado de viande Argentine: bien plus qu'un simple barbecue

Au cœur de la culture argentine, l'asado transcende la simple pratique culinaire pour devenir un véritable rituel social. Cette technique de cuisson traditionnelle, qui consiste à griller lentement différentes pièces de viande sur un brasero appelé parrilla, est l'occasion de réunions familiales ou amicales qui peuvent durer plusieurs heures. L'asador, responsable de la cuisson, occupe un rôle central et prestigieux, gardien d'un savoir-faire transmis de génération en génération. La préparation de l'asado suit des codes précis. La viande est simplement salée, sans marinade ni assaisonnement complexe, pour en préserver le goût authentique. La cuisson se fait à distance des braises, permettant une cuisson lente et homogène qui préserve la tendreté et les saveurs de la viande. Le temps de cuisson est calculé avec précision selon chaque morceau, et la température est régulée en ajustant la hauteur de la grille ou en déplaçant les braises.

Un jeune gaucho dans la pampa Argentine

Une excellence menacée ?

Si la qualité exceptionnelle de la viande argentine reste une réalité tangible, plusieurs facteurs menacent aujourd'hui ce patrimoine gastronomique. L'intensification de l'élevage, poussée par des impératifs économiques, conduit certains producteurs à adopter des pratiques d'engraissement en feedlot, éloignées du modèle traditionnel. Les changements climatiques affectent également la qualité des pâturages, tandis que la pression foncière réduit les espaces dédiés à l'élevage extensif. Cependant, des initiatives encourageantes émergent. De plus en plus de producteurs s'engagent dans des démarches de certification garantissant le maintien des pratiques traditionnelles. L'indication géographique "Carne Argentina" a été créée pour protéger et valoriser ce patrimoine unique. Des programmes de recherche sont également menés pour adapter les pratiques d'élevage aux défis contemporains tout en préservant la qualité exceptionnelle de la viande.

Face aux défis contemporains, l'excellence de la viande argentine apparaît comme une réalité historique qui doit aujourd'hui se réinventer pour perdurer. Plus qu'un simple produit d'excellence, elle incarne un patrimoine culturel vivant qui mérite d'être préservé et valorisé.

Marilys
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Marilys

Avec plusieurs années d'expérience en communication et en marketing digital, Marilys a fait de l'Amérique du Sud son terrain d'exploration privilégié, avec un regard curieux et bienveillant.

Elle s'intéresse autant à la biodiversité exceptionnelle des différentes régions, aux paysages glaciaires et aux mystères archéologiques, qu'à la cosmovision andine et à la sagesse ancestrale des premiers peuples.

Ses recherches minutieuses et son vécu personnel sur place alimentent ses connaissances, qu'elle partage avec enthousiasme. Son regard polyvalent lui permet de transmettre dans ses écrits les multiples facettes du Chili et de l'Argentine.