Les géoglyphes au nord du Chili : des symboles millénaires des peuples précolombiens
Que sont exactement les géoglyphes andins ?
Les géoglyphes sont de vastes dessins ou motifs, souvent anthropomorphes ou géométriques. Ils sont créés en raclant et en creusant le sol ou bien en plaçant des pierres, selon un contraste entre surfaces claires et foncées. Cet art ne se révèle pleinement qu’à distance, depuis les hauteurs ou vus du ciel.
Parmi ces œuvres monumentales s'étendant sur plusieurs centaines de mètres, certaines figures atteignent plus de 30 mètres de hauteur. Leur remarquable état de conservation à travers les siècles s’explique par le climat hyperaride des hauts plateaux andins.
Géoglyphes d’Atacama et de Nazca : deux visions d’un même art ?
En dépit de leur appartenance à un même art ancestral, les géoglyphes d'Atacama et les lignes de Nazca diffèrent considérablement par leur style, leur culture d'origine et leur utilisation, ce qui explique la multifonctionnalité des géoglyphes pour les civilisations andines. Ces deux types de tracés terrestres s'imposent comme des sources documentaires importantes pour l'archéologie andine.
Les lignes de Nazca, géoglyphes les plus célèbres au monde, sont situées dans le désert de Nazca au sud du Pérou. Créées par la civilisation Nazca entre 200 av. J.-C. et 600 ap. J.-C., elles représentent principalement des figures stylisées d'animaux considérés comme sacrés dont le colibri, le singe et l’araignée, des plantes ou des formes géométriques. Leur fonction, probablement astronomique ou religieuse, reste encore débattue par les spécialistes.
Les géoglyphes chiliens, quant à eux, sont attribués aux cultures précolombiennes andines comme les Tiwanaku, les Atacameños ou les peuples de la culture Lluta, et datent de 600 av. J.-C. à 1 450 ap. J.-C. Ils présentent une plus grande diversité stylistique et technique, illustrant des silhouettes humaines, des animaux, des symboles géométriques et parfois des scènes complètes. Leur fonction semble principalement liée au balisage des routes commerciales pour les caravanes de lamas, à la démarcation territoriale ou aux pratiques rituelles.
Un nouveau regard sur l’art du désert
Les avancées technologiques récentes, notamment l’utilisation de drones et la photogrammétrie, permettent aujourd’hui une analyse bien plus fine de ces œuvres monumentales. La modélisation 3D des sites donne des détails jusqu’alors invisibles et aide les chercheurs à mieux comprendre les techniques de réalisation employées par les civilisations précolombiennes.
Cependant, la préservation de ce patrimoine exceptionnel est menacé. L’urbanisation, l’exploitation minière, des événements tels que le Rally Dakar et un tourisme non encadré mettent en péril certains sites. Dans une démarche de préservation et de mise en valeur, plusieurs sites ont été, grâce aux efforts de fondations locales comme la Fundación Geoglifos de Tarapacá, reconnus par l'UNESCO pour leur importance socio-culturelle et touristique.
Quels sont les sites de géoglyphes à visiter au Chili ?
Bien que leur recensement exhaustif reste incomplet, les estimations actuelles suggèrent l’existence de plusieurs milliers de ces figures terrestres – plus de 5 000 au total – disséminées principalement dans les régions du nord du pays. Ces témoignages artistiques se concentrent particulièrement dans le désert d’Atacama, les vallées de Lluta et d’Azapa, avec une densité remarquable dans la région de Tarapacá, où les archéologues ont déjà identifié 7 535 figures distinctes.
Un circuit dans l'altiplano ne saurait être complet sans la visite de ces sites archéologiques exceptionnels, où les anciennes civilisations andines ont inscrit leur vision du monde dans le paysage désertique :
Parc archéologique Chug Chug, près de San Pedro de Atacama
À presque 2 heures de route depuis San Pedro de Atacama, le long d'une ancienne route caravanière reliant les oasis de Calama et Quillagua s'étend un remarquable ensemble de géoglyphes. La région de Chug-Chug est actuellement le troisième plus important regroupement de géoglyphes au monde, comprenant 23 sites archéologiques où sont préservés environ 500 motifs géométriques et zoomorphes. La création de ces figures s'échelonne principalement entre 900 et 1550 de notre ère, bien que certaines remontent jusqu'à 1000 avant J.-C.
Gigante de Atacama, Cerro Unita, Huara
À une quinzaine de kilomètres du village de Huara, dans la province de Tamarugal, se trouve le géoglyphe le plus célèbre du Chili : le Géant d’Atacama, aussi appelé Gigante de Tarapacá. Cette figure anthropomorphe de 86 mètres de haut domine le Cerro Unita. Datée d’environ 900 après J.-C., elle représenterait, selon certains chercheurs, un chaman ou une divinité tutélaire protégeant les caravanes qui traversaient le désert. La professeure Marcela Sepúlveda, de l’Université de Tarapacá, précise : « La position dominante du Géant d’Atacama n’est pas fortuite. Il était visible depuis plusieurs kilomètres et servait probablement de point de repère aux voyageurs.» Autour du géant, on peut observer une vingtaine de motifs, représentant notamment des formes géométriques, des lamas, des serpents, ainsi que des traces de sentiers empruntés autrefois par les peuples andins.
Los Pintados, Réserve Nationale Pampa del Tamarugal
Le site de Pintados, classé monument national, impressionne par sa concentration de figures, avec plus de 450 géoglyphes couvrant 4 km sur les flancs de la colline, formant l'une des plus grandes galeries d'art précolombien du Chili. L’ensemble compte des figures humaines, géométriques et animales, dont le spectaculaire condor, aux ailes déployées mesurant plus de 30 mètres d'envergure. Les techniques de restauration modernes ont permis de mettre en évidence des détails jusqu'alors invisibles, comme des motifs secondaires intégrés aux figures principales. Les motifs géométriques réalisés semblent avoir servi de repères le long des routes, utiles aux caravanes de voyageurs qui traversaient différentes zones écologiques, reliant la pampa aux vallées, gorges, cordillères et régions côtières. On estime également qu’ils ont pu être utilisés pour indiquer des sources d’eau, participer à des rituels agricoles ou encore marquer un sentiment d’appartenance.
À proximité de ces sites majeurs, des pétroglyphes et des vestiges d'habitations anciennes complètent le tableau, attestant l'occupation continue de ces territoires pendant plusieurs siècles. Les fouilles archéologiques ont révélé la présence de céramiques et d'objets rituels qui permettent de mieux comprendre le contexte culturel dans lequel ces œuvres monumentales ont été créées.
Vallée de Azapa, près d’Arica
Dans la vallée d'Azapa, véritable musée à ciel ouvert, les géoglyphes racontent une autre histoire : celle du quotidien des peuples précolombiens. Les motifs, plus petits mais plus nombreux, illustrent des scènes de la vie quotidienne : troupeaux de lamas, danseurs, cérémonies rituelles. Des circuits archéologiques permettent de visiter les nombreux sites qui ponctuent la vallée, comme le Cerro Sombrero et le Cerro Sagrado. À environ 2,5 kilomètres au nord de ce dernier se trouvaient les vestiges du village inca de Pampa Alto Ramírez. Pour prolonger la découverte, une visite du musée archéologique San Miguel de Azapa, qui expose de belles collections permanentes d’œuvres artisanales élaborées par les peuples andins de la région.
La vallée de Lluta, près d’Arica
Les géoglyphes de Lluta, situés entre les kilomètres 14 et 16 en sortant d'Arica, sont également déclarés patrimoine archéologique national. Découverts sur le versant droit de la montagne, ces géoglyphes mesurent entre 30 et 60 mètres de large et représentent des figures anthropomorphes et zoomorphes, comme l’Aigle, l’Homme Grand, l’Homme Petit, ainsi que des animaux tels que des camélidés et des félins. Leur style distinctif et leur iconographie suggèrent des influences culturelles multiples, possiblement issues des échanges entre les populations côtières et celles de l’altiplano. Ils bordent le chemin du fleuve et se trouvent dans une région difficile à dater en raison de l'absence de matière organique. L’analyse stylistique et contextuelle permet cependant d'établir une chronologie relative.
Conseils pour visiter les sites de géoglyphes
- Meilleure période : les secteurs d’Arica et d’Iquique, bénéficient d’un climat désertique agréable de décembre à mars. Pour éviter la chaleur et le tourisme, préférez mai à septembre. À San Pedro de Atacama, les meilleures périodes sont mars à mai et septembre à novembre : temps clair, températures douces. L’été peut apporter de fortes averses, et l’hiver, des nuits très froides.
- Évitez la chaleur extrême : les températures peuvent devenir très élevées, surtout en été. Prévoyez de visiter les géoglyphes tôt le matin ou en fin d'après-midi pour éviter les heures les plus chaudes.
- Prévoyez un guide local : Bien que certains géoglyphes soient accessibles sans guide, il est recommandé de faire appel à un guide local. Non seulement cela vous aidera à mieux comprendre l'histoire et le contexte des géoglyphes, mais cela garantit également votre sécurité, notamment dans des régions éloignées.
- Vêtements appropriés : portez des vêtements légers, mais couvrez-vous du soleil avec un chapeau et des lunettes. N'oubliez pas d'apporter de l'eau et indice 50, surtout si vous prévoyez de marcher pendant plusieurs heures.
- Respectez l'environnement : les géoglyphes sont fragiles et leur préservation est primordiale. Ne touchez pas les oeuvres et évitez de laisser des déchets. Suivez les chemins balisés pour minimiser l'impact sur le site.
- Transport : un véhicule tout-terrain est souvent nécessaire pour accéder aux sites, surtout ceux qui sont plus éloignés.
Un itinéraire pour découvrir les géoglyphes à Atacama
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Avec plusieurs années d'expérience en communication et en marketing digital, Marilys a fait de l'Amérique du Sud son terrain d'exploration privilégié, avec un regard curieux et bienveillant.
Elle s'intéresse autant à la biodiversité exceptionnelle des différentes régions, aux paysages glaciaires et aux mystères archéologiques, qu'à la cosmovision andine et à la sagesse ancestrale des premiers peuples.
Ses recherches minutieuses et son vécu personnel sur place alimentent ses connaissances, qu'elle partage avec enthousiasme. Son regard polyvalent lui permet de transmettre dans ses écrits les multiples facettes du Chili et de l'Argentine.