L’ombú : un géant végétal des plaines sud-américaines

Flore
L’ombú : un géant végéta...
Endémique d’Amérique du Sud, l’ombu est une espèce florale particulière, à cheval entre un arbre et une plante géante, qui défie les classifications botaniques traditionnelles. En Argentine, il loge dans les confins des plaines de la Pampa, dans les parcs les plus renommés de la capitale, et dans les lieux secrets de ses espaces naturels du luxuriant Nord-Est. Grâce à ses propriétés et caractéristiques uniques, la Bella Sombra est un spécimen botanique aux mille vertus pour ses habitants et une véritable muse pour ses artistes.

L’ombú, une plante emblématique de la Pampa et du Noreste argentin

L’ombú : un arbre ou une plante géante ?

Massif et spongieux, le tronc de l’ombú est composé de tissus mous et aqueux, ce qui lui permet de stocker de l’eau pour survivre dans les environnements arides des plaines.

Le Phytolacca dioica, également connu sous le nom de "Arbre de la belle ombre" ou "Fitolaca", est un végétaux qui défie les classifications traditionnelles. Bien qu'il ressemble à un arbre imposant, il appartient en réalité à la famille des Phytolaccaceae, et est souvent considéré comme une herbe géante. Le nom de "Phytolacca" provient du grec "phyton", signifiant "plante", et du persan "laq", qui fait référence à la couleur rouge du jus de ses fruits, tandis que le terme "dioica" en latin désigne sa particularité d’avoir des pieds mâles et des pieds femelles, avec des fleurs unisexuées. Son appellation "umbú" provient du guaraní, où "umbú" signifie "belle ombre", soulignant ainsi l'une de ses principales qualités : fournir une ombre généreuse et fraîche.

L'ombu peut atteindre des hauteurs variant entre 12 et 15 mètres, mais ce qui le distingue vraiment, c’est son tronc massif, pouvant atteindre jusqu'à 12 mètres de circonférence, qui est cependant vide et constitué de tissus tendres, sans bois véritable. Ce tronc, qui n’a pas de véritable structure ligneuse. Son feuillage persistant est d'un vert foncé, et il forme une canopée dense et arrondie, soutenue par des branches épaisses. Il est capable de vivre plus de 100 ans.

Où l'ombú pousse-t-il ?

Il est originaire du Brésil, du Paraguay, d’Uruguay et du Nord de l’Argentine. Dans ce dernier, il pousse principalement dans les vastes étendues de la Pampa, mais aussi dans d'autres écorégions comme le Noreste argentin, notamment dans l'Espinal, les Esteros del Iberá, la Selva Paranaense, le Delta et les îles du Paraná, ainsi que dans le Chaco Húmedo.

L'umbú résiste à la sécheresse grâce à son tronc spongieux, capable de stocker de grandes quantités d'humidité. Bien qu'il soit une plante imposante, il est souvent perçu comme une herbe géante en raison de la structure particulière de son tronc. Ses fleurs, pollinisées par le vent (anémophilie), et ses fruits, consommés par des oiseaux frugivores, jouent un rôle clé dans la dispersion des graines. Cette espèce préfère les climats doux et chauds et n'est pas tolérante au froid intense, ses jeunes branches pouvant se congeler dès 0°C. Loin d'être une espèce menacée, l'ombu peut néanmoins être affecté par les changements climatiques, notamment l'augmentation des sécheresses dans certaines zones.

L’influence culturelle de l’ombú en Argentine et au-delà

L’ombú : un arbre aux multiples usages

En raison de sa structure molle et fibreuse, le bois de l’ombú n’est pas adapté à la construction ou à l’artisanat traditionnel, mais il est parfois utilisé pour des sculptures légères.

Pour le peuple autochtone guarani, l'umbú est depuis des siècles un symbole de résistance et de bien-être. Ses feuilles, utilisées en cataplasme, permettaient de traiter diverses affections, notamment les douleurs rhumatismales. L'écorce, riche en tanins, était réputée pour ses vertus anti-inflammatoires, et la sève, diluée, servait de purgatif, bien que cette pratique soit aujourd'hui déconseillée en raison de sa toxicité.

Chez les gauchos, l'ombu bénéficie d'une réputation partagée. D'un côté, il est apprécié pour ses vertus médicinales : en plus des propriétés laxatives des feuilles, les cendres des branches et des feuilles servaient à soigner les blessures, et un cataplasme à base de feuilles mélangées à de l'altamisa et de la yerbabuena était appliqué pour soulager les maux de tête et les coups de chaleur. Ils le considéraient également comme leur compagnon fidèle lors de leurs longues chevauchées, appréciant non seulement son ombre bienfaisante, mais aussi son rôle de refuge naturel et repère évident dans ces vastes étendues infinies. Cependant, son bois, trop tendre pour être utilisé comme combustible, a contribué à la mauvaise réputation de l'arbre parmi les gauchos. Des dictons populaires, comme "El ombú no sirve ni para fuego" (l'ombu ne sert même pas pour le feu) ou "Casa con ombú, acaba en tapera" (une maison avec un ombú finit en ruine), reflètent la croyance que sa présence portait malheur.

Aujourd'hui, le Phytolacca dioica est toujours apprécié pour ses vertus médicinales et son rôle écologique. Il est aussi utilisé dans l'aménagement urbain, où il apporte de l'ombre dans les parcs et jardins publics. Ses racines profondes contribuent à lutter contre l'érosion des sols, tandis que certains spécimens centenaires sont devenus des attractions touristiques, attirant visiteurs et photographes désireux d'admirer sa beauté.

Un symbole légendaire et une source d’inspiration artistique

L’ombú est considéré comme un refuge naturel par les gauchos, symbolisant la protection et la connexion avec l’immensité des pampas.

L’ombu occupe une place particulière dans l'imaginaire collectif de l'Argentine, bien qu'il ne soit pas l'arbre national, il est considéré comme un symbole patriotique du pays. Majestueux et protecteur, il est célébré dans la littérature et la musique folklorique, où il incarne la générosité et la bienveillance de la Pampa. Le poète Luis L. Domínguez lui a dédié son célèbre poème "El Ombú", dans lequel il est décrit comme "le roi de la plaine", un gardien silencieux veillant sur les voyageurs perdus. Les légendes racontent même que les esprits des anciens gauchos habitent ses branches, offrant protection et réconfort aux âmes errantes de la région. Mais encore, le musicien Atahualpa Yupanqui, dans son “Canto del Sur”, le mentionne  comme une référence importante, tout comme le poète uruguayen Fernán Silva Valdés, et même le poète chilien Pablo Neruda, qui évoque un “lit fait de bois d’ombu”.

L’ombu est au centre de nombreuses traditions et légendes populaires. L'une d'elles raconte qu'une tribu, après avoir perdu ses récoltes à cause de la sécheresse, vit une plante protégée par le poncho de la femme du chef se transformer en une gigantesque herbe grâce à ses larmes. Il fut ainsi nommé en son honneur. Une autre histoire explique que cet être végétal a demandé à Dieu de pouvoir fournir de l'ombre aux voyageurs, plutôt que de devenir un végétaux robuste ou décoratif. Dieu exauça sa demande, conférant à l’ombu des pouvoirs spéciaux pour abriter hommes et animaux du soleil.

Où observer l’ombú en Argentine ?

L’ombú est un arbre emblématique des pampas argentines, offrant une ombre précieuse dans ces vastes plaines dépourvues de forêts.

En Argentine, le Phytolacca dioica se découvre aussi bien dans son écosystème d'origine que dans les espaces urbains où il a été intégré.

Dans la province de Buenos Aires, le parc historique San Benito de Palermo abrite de magnifiques exemplaires, témoins silencieux de l'histoire locale. Au sud de la capitale, la ville de San Antonio de Areco, connue pour son héritage gaucho, accueille l'estancia El Ombú de Areco. Ce lieu permet aux visiteurs de les admirer dans le cadre pittoresque d'une exploitation traditionnelle, offrant ainsi une immersion dans la culture et l’histoire rurales.

La région de la Pampa, berceau historique de l'ombu, est idéale les contempler. Le parc national Lihué Calel, qui protège des paysages sauvages et des habitats naturels, préserve certains des plus beaux spécimens du pays. Dans les estancias de la région, ces arbres centenaires racontent les histoires des premiers colons et des gauchos qui les ont adoptés comme refuge. Pour admirer l'ombu dans son milieu naturel, direction les parcs nationaux du Nord-Est argentin : El Palmar, Pre-Delta, Río Pilcomayo et Mburucuyá, où il s'épanouit dans des espaces protégés.

Pour partir à la rencontre de cet arbre mythique, explorez nos circuits en Argentine à travers la pampa et le Noreste argentin !

Mark
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Mark incarne l'âme aventurière de Korke. Fort de sa connaissance intime de l'Amérique du Sud, il cultive une véritable passion pour ces terres qu'il arpente depuis des années, des sommets de la cordillère aux vallées secrètes.

Expert chevronné, il sait révéler les trésors insoupçonnés du Chili et de l'Argentine, accompagnant ses voyageurs vers l'essence même de ces destinations.

Passionné par l'art de vivre andin, Mark vous invite à explorer la richesse culturelle, historique et œnologique de ces terres d'émotion.