L’araucaria : découvrez l’arbre mythique des montagnes sud-américaines

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L’araucaria : découvrez l&r...
L’araucaria, surnommé avec humour « le désespoir des singes », est un arbre millénaire dont la lignée a traversé des époques où la majorité des espèces actuelles du règne humain, animal ou végétal n’existait. Ses écailles végétales et ses branches articulées, reliées au tronc, rappellent la complexité d’un puzzle naturel. Considéré par les botanistes comme un véritable fossile vivant et vénéré par le peuple Mapuche, l’araucaria est aujourd’hui menacé d’extinction et bénéficie d’une protection tant au Chili qu’en Argentine.

L’araucaria : l’arbre emblématique de la Patagonie !

L’Araucari araucana, un arbre millénaire

Les feuilles pointues et coriaces de l’araucaria, disposées en spirale le long des branches, sont une adaptation remarquable contre la prédation et les conditions climatiques extrêmes des Andes.

L'Araucaria du Chili est un conifère primitif appartenant à la famille des Araucariacées, qui regroupe une trentaine d'espèces réparties en trois genres. Araucaria araucana, qui est l'une des rares espèces de ce genre à avoir survécu jusqu'à aujourd'hui dans sa forme primitive, la majorité des autres ayant évolué au fil du temps. Cet arbre est aussi connu sous le nom de "désespoir des singes" en français, un surnom qui trouve son origine au XIXe siècle. À l'époque, des botanistes européens, fascinés par cette plante venue d’ailleurs, lui attribuèrent ce nom intrigant en référence aux écailles qui recouvrent ses branches et qui, selon eux, rendraient son escalade difficile, même pour un singe.

L'Araucaria araucana est un arbre millénaire, témoin privilégié de l’évolution du règne végétal. Présent sur Terre depuis la période du Jurassique, il y a plus de 200 millions d'années, il a donc côtoyé les dinosaures et survécu à d'importants bouleversements géologiques. Principalement présent dans l'hémisphère Sud, l'araucaria trouve son habitat naturel en Amérique du Sud, où il est particulièrement répandu au Chili et en Argentine. D'autres espèces de la famille des Araucariacées se trouvent en Océanie, notamment en Australie et en Nouvelle-Calédonie, tandis que quelques spécimens ont été identifiés en Asie du Sud-Est.

Caractéristiques physiques et biologiques de l'araucaria

L'araucaria peut atteindre jusqu'à 50 mètres de hauteur dans son habitat naturel, bien qu'il dépasse rarement les 30 mètres lorsqu'il est cultivé ailleurs. Jeune, il adopte une forme conique, avant de se transformer, avec l'âge, en une silhouette en une sorte de parapluie caractéristique. Ses feuilles, épaisses et triangulaires, se disposent de manière dense et rayonnante sur les branches, et persistent jusqu'à quinze ans avant de se renouveler. L'écorce de l'araucaria, d'une épaisseur remarquable, est de couleur brun grisâtre et présente une texture rugueuse, renforçant sa résistance aux conditions extrêmes. L'une de ses caractéristiques les plus impressionnantes réside dans sa croissance extrêmement lente, avec moins de 10 cm de pousse par an. Il faut parfois plusieurs décennies pour qu'il atteigne sa pleine maturité, qui varie selon les espèces, mais se situe généralement entre 15 et 40 ans pour les plus tardives. Cette lenteur est compensée par une longévité remarquable, certains spécimens ayant traversé des millénaires.

Ses nombreuses caractéristiques lui permettent de survivre dans des climats rigoureux, allant du froid des Andes au climat tempéré des forêts australes, et à des altitudes pouvant atteindre 1 700 mètres. Il résiste également aux incendies grâce à son écorce épaisse et à ses bourgeons protégés par ses feuilles coriaces et imbriquées. L'espèce étant dioïque, il existe des spécimens mâles et des spécimens femelles. Les mâles se distinguent par leurs cônes allongés et cylindriques, tandis que les femelles portent de grands bulbes volumineux, où se développent des graines, les piñones, qui sont grandement appréciés par les populations locales pour leur valeur nutritive.

Un arbre sacré pour le peuple Mapuche

Cet arbre revêt une importance historique, culturelle et écologique majeure pour l’Argentine et le Chili. D’ailleurs, ce dernier l’a désigné comme l’arbre national du pays, et une région, l’Araucanie, porte son nom tout en arborant son emblème sur son drapeau régional.

Symbole et légende autour de l’araucaria

Les bulbes des spécimens d’Araucaria femelles, appelés cônes, renferment les piñones, de grandes graines comestibles qui tombent au sol à maturité, nourrissant aussi bien la faune locale que les communautés humaines.

L’araucaria, ou pehuén en mapudungun, est un symbole d’abondance et un lien profond entre la nature et l’homme, et représente un équilibre primordial dans la vie quotidienne. Les pewenche, groupe du peuple mapuche vivant dans les Andes chiliennes et argentines, considèrent l’araucaria comme un arbre central dans leur vie, tant sur le plan alimentaire que spirituel. Ce symbole sacré, source de nourriture à travers ses fruits, les piñones, est au cœur de leur identité. C’est d’ailleurs en référence à ces fruits qu’ils se surnomment ainsi, les « gens du piñon ». Cependant, l’araucaria ne se donne pas de manière égoïste : avant de récolter ses fruits, il est nécessaire de lui rendre hommage par des rituels et cérémonies. Comme le souligne Silvia Navarro Manquilef, kimche (éducatrice traditionnelle mapuche), dans ses enseignements : « Nous devons toujours demander la permission avant de récolter. »

La légende du Pehuén raconte l’histoire d’un temps ancien où les tribus de la région vénéraient l’araucaria, mais croyaient que ses fruits étaient toxiques et donc à éviter. Ce n’est que lors d’une grande famine qu’un jeune homme, dans sa quête désespérée de nourriture, rencontra un vieil homme mystérieux qui lui révéla que les pignons, ces graines du pehuén, étaient comestibles une fois cuits. Grâce à cette révélation, la tribu survécut en se nourrissant des pignons, qu’ils conservaient pour les mois d’hiver. Depuis ce jour, les Mapuches vivant près de cet arbre n’ont plus jamais connu la famine, et ils espèrent que cet géant sacré ne leur sera jamais enlevé.

La récolte ancestrale des ngüilliu

La récolte ancestrale des piñones, pratiquée par le peuple mapuche-pehuenche, repose sur un savoir transmis de génération en génération, respectant les cycles naturels de l’arbre et prélevant uniquement ce qui est nécessaire à la subsistance.

La récolte des piñones, appelés ngüilliu en mapudungun, va bien au-delà de l'aspect alimentaire : c'est un rituel sacré et un élément clé de la culture et de l'économie locale. Ces graines, riches en oméga 3, oméga 6, potassium, magnésium, fer, zinc et vitamine E, étaient essentielles pour la survie des communautés mapuches, représentant entre 10 % et 15 % de leur alimentation pendant la période de récolte. Elles constituaient également une source vitale de nutriments durant le long hiver, en tant que principale source de glucides.

La récolte se fait en automne, entre mars et avril, lorsque ses graines, de deux à quatre centimètres de long pour un à deux centimètres de large, mûrissent. Leur couleur brun-rougeâtre et leur aspect brillant en font une ressource facilement identifiable. Leur goût doux, proche de celui de la noisette, fait des piñones un délice prisé, cuits, grillés, ou utilisés dans des salades et même transformés en farine pour diverses préparations destinées à la consommation personnelle ou à la commercialisation. Un araucaria de plus de 100 ans peut produire jusqu'à 400 kg de piñones pendant une bonne saison. Toutefois, il convient de noter que seules les femelles portent des fruits, soit environ la moitié de la population.

Les récolteurs doivent se rendre dans les forêts sacrées, souvent en montagne, et suivre des rites ancestraux. Comme le raconte la kimche Silvia Navarro Manquilef, « on choisit une araucaria âgée, la plus ancienne de la forêt, et là, on s’agenouille pour lui rendre hommage, prier, et lui apporter des offrandes. Parce que si l'on demande à l'araucaria son fruit, si délicieux et savoureux qu'est le piñón, il ne faut pas arriver les mains vides. Il faut lui exprimer sa gratitude. » Cette tradition de respect et de gratitude est au cœur de la récolte, et certains anciens enseignaient même aux plus jeunes, par des epew (histoires) ou des ngütram (récits historiques), la manière de se comporter dans les forêts.

Grimper son tronc n’est pas une tâche facile, car leurs troncs sont imposants et leurs feuilles pointues. Cependant, les pewenche, experts dans cet art ancestral, savent escalader les troncs avec aisance, utilisant la rugueuse écorce comme échelons. Ils portent des chaussures spéciales et des gants renforcés pour protéger leurs mains et leurs pieds. Certains doivent grimper jusqu’à plusieurs dizaines de mètres pour atteindre les cimes des arbres. Là, à l’aide d’un bâton, ils frappent les cônes de piñones pour les faire éclater et en récolter les graines.as

Où voir des araucarias au Chili et en Argentine ?

Ce conifère emblématique de la flore du Chili et de l’Argentine attire chaque année de nombreux curieux, et ce, à chaque saison, pour profiter de ses couleurs et de sa prestance. Il reste vert toute l’année, créant ainsi de superbes contrastes avec les teintes chatoyantes des autres plantes arbustives, tels que le ñire, le coigüe et le roble, qui durant l’automne, révèlent des couleurs vives de jaune, d’orange et de rouge. Parmi les sites incontournables à visiter des deux côtés des Andes, on trouve plusieurs lieux  où il est possible d’observer cette espèce dans toute sa splendeur.

Les meilleurs sites au Chili et en Argentine

Le Parc National Conguillio

Le parc national Conguillío est célèbre pour ses superbes araucarias millénaires, qui dominent un paysage façonné par les éruptions du volcan Llaima.

Dans la région de l'Araucanie chilienne, le Parc National Conguillío incarne la splendeur des forêts d'araucarias. Dominé par l'imposant volcan Llaima, ce parc dévoile un paysage saisissant où la lave noire se mêle au vert intense de ces œuvres végétales. On y trouve l’araucaria madre, le plus grand du pays, culminant à 50 mètres de hauteur et affichant un diamètre de 2,20 mètres. Le sentier Sierra Nevada, long de 12 kilomètres, permet aux randonneurs d'observer ces arbres sous tous les angles, depuis les jeunes pousses jusqu'aux patriarches de plus de mille ans. Les eaux cristallines du lac Conguillio reflètent la silhouette caractéristique des araucarias, créant des tableaux naturels d'une rare intensité. Au petit matin, quand la brume se dissipe lentement, parapluies végétaux semblent suspendus dans l'air, ce qui garanti aux photographes de belles opportunités pour immortaliser ces moments magiques.

La Réserve Nationale Malalcahuello-Nalcas

À moins de deux heures de route de Temuco, la capitale régionale, la Réserve Nationale Malalcahuello-Nalcas est l’endroit idéal pour les admirer et profiter du calme des Andes. Aux abords du volcan Lonquimay, ces arbres composent des paysages qui rappellent l’ère jurassique, aussi bien en hiver qu’en été. Les randonneurs peuvent atteindre le Cratère Navidad ou gravir le volcan pour profiter d’une vue magnifique sur la vallée et les volcans environnants. Différents sentiers, comme celui de la Sierra del Colorado, traversent la réserve et permettent de s’approcher au plus près des végétaux. C’est dans cette réserve que se trouve le plus vieil araucaria de la région, âgé de plus de 1 500 ans. Entre Lonquimay et Malalcahuello, la route de la Cuesta de las Raíces, longue d’environ 25 kilomètres, offre certains des plus beaux spécimens, avec le volcan Lonquimay en arrière-plan, idéal pour les photos. Un araucaria de cette route a même servi de modèle pour illustrer le billet de 2 000 pesos chilien.

La réserve nationale China Muerta abrite une vaste forêt d’araucarias et de coigües, constituant un refuge précieux pour des espèces endémiques menacées comme le monito del monte et le carpintero negro.

La Réserve Nationale China Muerta

À proximité de Melipeuco, la Réserve Nationale China Muerta s’étend sur 12 825 hectares de bosquets millénaires et de paysages andins. Un sentier unique, la Huella del Puma, traverse la réserve sur 5 km et mène à un mirador offrant une vue imprenable sur sept volcans. En poursuivant la balade, on découvre la cascade Tiriento, haute de 10 mètres, entourée de ces colosses verts. La réserve porte aussi les traces de l’incendie de 2015 qui a détruit une partie de la forêt native, mais la nature reprend peu à peu ses droits. En automne, les couleurs flamboyantes rendent ce lieu encore plus remarquable.

Le Parc National Tolhuaca

Ce parc national de la région d’Araucanía s’étend sur environ 6 474 hectares de nature protégée depuis 1935. C’est un lieu où la forêt semble raconter des histoires anciennes, porté par la présence majestueuse de ces conifères de tous âges. En parcourant des sentiers comme Chilpas, Mesacura, Lagunilla ou Tolhuaca-Niblinto, on accède à des lacs cristallins et à la cascade de Malleco, avec des paysages qui semblent tout droit sortis d’une carte postale. Randonnées, observation des oiseaux et moments paisibles au bord de l’eau permettent de se connecter pleinement à cette nature intacte, où chaque recoin inspire la sérénité et l’émerveillement.

Le Santuario El Cañi

Le sanctuaire El Cañi, situé près de Pucón, protège l’un des plus anciens bosquets d’araucarias du monde. En suivant les sentiers qui serpentent à travers cette forêt millénaire, on découvre des lagunes volcaniques et de superbes panoramas sur les volcans environnants. Chaque pas rappelle la rareté et la beauté de ces géants verts, certains âgés de plus de mille ans. L’ascension, qui culmine à plus de 1 500 mètres, invite à ralentir et à se laisser imprégner par l’atmosphère paisible du lieu. C’est une expérience qui résonne profondément, offrant une connexion rare avec la nature et l’histoire vivante des Andes de la région des lacs et volcans.

Le plus beau point de vue du parc national Huerquehue se trouve au Mirador Laguna Toro, où l’on peut admirer une lagune cristalline entourée d’araucarias séculaires.

Le Parc National Huerquehue

Tout près des lacs Caburgua et Villarrica, ce parc protégé vieux de plus de 50 ans dispose de sentiers qui traversent des paysages araucariens, bordant des lacs et lagunes calmes, créant un cadre paisible pour une balade au cœur de la nature. En suivant des chemins comme ceux de Los Lagos, Quinchol ou San Sebastián, vous traverserez des vallées perchées où cascades et forêts épaisses créent une atmosphère hors du temps. Huerquehue n’est pas qu’une promenade ; c’est une immersion dans l’histoire de ces arbres millénaires qui veillent sur ces terres depuis des siècles. Chaque recoin du parc est une invitation à ralentir et à contempler la grandeur simple mais puissante de la nature chilienne.

Le Parc National Lanín

De l'autre côté de la frontière, en Argentine, le Parc National Lanín abrite l'une des plus importantes populations d'araucarias de Patagonie orientale. Dominé par le cône parfait du volcan Lanín, ce parc est balisé de plusieurs circuits de randonnée adaptés à tous les niveaux. Le sentier des Araucarias, près du lac Huechulafquen, permet d'observer ces arbres dans leur habitat naturel, où ils cohabitent avec les lengas et les coihues.

La région Caviahue-Copahue

Dans la province argentine de Neuquén, la région de Caviahue-Copahue révèle un paysage lunaire où ces conifères ont trouvé refuge. Les sources thermales et les fumerolles du volcan Copahue créent un décor surréaliste où ces arbres millénaires prospèrent malgré les conditions extrêmes. En hiver, les pistes de ski serpentent entre les araucarias enneigés, offrant une expérience de glisse unique au monde.

Villa Pehuenia

Au cœur de la province de Neuquén, Villa Pehuenia tire son nom du mot mapuche désignant l'arbre. Cette petite ville lacustre est entourée de forêts primaires où les araucarias règnent en maîtres. Les communautés locales perpétuent la tradition ancestrale de la récolte des piñones tout en veillant à sa préservation.

Conseils pour les visites et excursions

Une randonnée dans la Sierra Nevada avec un guide local permet d’explorer la richesse naturelle et culturelle de la région, en découvrant l’histoire des araucarias et leur importance pour les peuples autochtones.

La préservation de ces massifs végétaux constitue un véritable enjeu face aux effets du changement climatique et à l’augmentation du tourisme. Les parcs nationaux du Chili et d’Argentine appliquent des mesures rigoureuses pour protéger ces écosystèmes uniques, en limitant l’accès à certaines zones sensibles et en surveillant attentivement la santé des spécimens les plus anciens.

En tant que visiteurs, vous avez un rôle essentiel à jouer dans cet effort de conservation. Respecter les sentiers balisés est fondamental pour éviter d’endommager les racines superficielles. Il est important de ne pas cueillir de graines à foison, de branches ou d’écorces, car ces arbres croissent lentement et sont particulièrement vulnérables aux perturbations humaines.

Si vous croisez des piñones en chemin, pourquoi ne pas les planter avec douceur et y mettre un peu d’amour en pensant à la Terre Mère ? C’est un geste tout simple, mais qui peut contribuer à faire grandir la présence des merveilleux arbres, menacés d’extinction. Peut-être qu’un jour, quelqu’un marchera sous l’ombre de l’araucaria que vous aurez aidé à faire pousser !

Découvrez la Patagonie à travers ses paysages d'araucarias !

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Marilys
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Marilys

Avec plusieurs années d'expérience en communication et en marketing digital, Marilys a fait de l'Amérique du Sud son terrain d'exploration privilégié, avec un regard curieux et bienveillant.

Elle s'intéresse autant à la biodiversité exceptionnelle des différentes régions, aux paysages glaciaires et aux mystères archéologiques, qu'à la cosmovision andine et à la sagesse ancestrale des premiers peuples.

Ses recherches minutieuses et son vécu personnel sur place alimentent ses connaissances, qu'elle partage avec enthousiasme. Son regard polyvalent lui permet de transmettre dans ses écrits les multiples facettes du Chili et de l'Argentine.